Le Mérou brun

Symbole d'une conservation exemplaire

de retour SUR NOS CôtES après 30 ANS D'EFFORTs

Icône pour bien des plongeurs sous-marins, à la fois pour sa taille (c’est l’un des plus gros poissons osseux de la Méditerranée) et sa rareté, le mérou brun Epinephelus marginatus avait quasiment disparu après des décennies de surpêche et de braconnage. Grâce à des mesures de protection fortes, il revient en force dans les eaux de la Méditerranée française et monégasque, notamment dans les zones protégées, faisant admirer au randonneur sous-marin son comportement unique et majestueux. L’observer en plongée est un moment privilégié, magique, un souvenir que l’on garde longtemps en tête ! Le retour du mérou n’est pas le fruit du hasard mais le résultat de 30 ans d’efforts, un exemple qui doit nous inspirer pour mieux protéger les espèces en danger de la Méditerranée ! Explications…

Mâle ou femelle ? Les deux ! Un peu de biologie...

Enzo le petit mérou brun de Méditerranée relaché
Un jeune mérou brun sous son rocher. Crédit : Nicolas Robert.

Le mérou brun vit entre la surface et 50 à 200m de profondeur, aussi bien dans l’océan Atlantique (des côtes marocaines à la Bretagne) que dans toute la Méditerranée. Il est aussi présent au large du Brésil et de l’Afrique du Sud, mais les chercheurs se demandent s’il s’agit d’une population homogène ou de sous-populations distinctes. Le mystère reste aujourd’hui entier ! 

Il apprécie les habitats rocheux côtiers riches en anfractuosités et cavités. Les juvéniles, plus littoraux, sont parfois observés dans quelques centimètres d’eau. Sa taille varie de 80 cm à 1 m voire 1,5 m pour les plus grands individus.

Le mérou change de sexe durant sa vie : « Hermaphrodite protogyne », il est d’abord femelle puis devient mâle lorsqu’il atteint 60 à 70 cm, à l’âge de 10 à 14 ans.

Régulateur et indicateur de l’état du milieu marin

Super-prédateur situé en haut de la chaîne alimentaire, le mérou chasse ses proies (céphalopodes, crustacés, poissons) à des niveaux trophiques inférieurs, jouant ainsi le rôle de régulateur et contribuant à l’équilibre de l’écosystème. Il est aussi un indicateur de la qualité du milieu. L’abondance de mérous traduit le bon état de la chaîne alimentaire qui le précède, la présence d’une nourriture riche et l’expression d’une pression de braconnage et de pêche modérée. Du fait de sa valeur commerciale très élevée, le mérou brun reste très recherché par les pêcheurs et les chasseurs sous-marins dans toute sa zone de distribution. Ses effectifs étant en fort déclin, il est classé par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature dans la catégorie des espèces vulnérables.

Le saviez-vous ?

8 espèces de mérous sont présentes en Méditerranée. Parmi les 6 espèces observées à Monaco, le mérou brun Epinephelus marginatus est le plus fréquent, puis vient l’impressionnant cernier, encore appelé mérou d’épave Polyprion americanus. Le mérou canin Epinephelus caninus, la badèche Epinephelus costae, le mérou blanc Epinephelus aeneus, le mérou royal Mycteroperca rubra sont beaucoup plus discrets.

Mycteroperca rubra
Un groupe du rare mérou royal Mycteroperca rubra dans la Réserve Naturelle de Scandola. Crédit : Jean-Marie Dominici.
Cernier-Polyprion americanus (Y.Berard)
Le cernier ou mérou d’épave Polyprion americanus.
Le Mérou bardèche
Un mérou badèche

Le Mérou en images

La protection du mérou, ca marche !

La raréfaction de ce poisson a conduit la France et la Principauté de Monaco à adopter, dans le cadre des conventions internationales (Berne, Barcelone), des mesures de protection fortes. Le moratoire instauré en France continentale et en Corse depuis 1993 interdit la chasse sous-marine et la pêche à l’hameçon. Les études de terrain montrent l’efficacité de ces mesures de protection : de jeunes mérous sont maintenant présents sur toutes les côtes, dans les réserves marines les populations se sont reconstituées. Mais ce retour reste très fragile. Le moratoire doit être examiné tous les 10 ans. L’avenir du mérou se jouera donc en 2023. Si la chasse devait de nouveau être autorisée, plus de 30 ans d’efforts pourraient être balayés en quelques semaines !

Mérou brun M.Dagnino
Un mérou brun femelle, à l’entrée de son refuge sur un tombant coralligène.

A Monaco, l’Ordonnance Souveraine de 1993, renforcée par l’ordonnance de 2011 interdit toute pêche et assure la protection du mérou brun ainsi que du corb, une autre espèce vulnérable. Grâce à cette protection spécifique, à la Réserve du Larvotto ainsi qu’à la présence d’habitats très propices et d’une nourriture foisonnante, le mérou brun abonde de nouveau dans les eaux de la Principauté de Monaco, notamment au pied du Musée océanographique.

Le saviez-vous ?

Pourquoi trouve-t-on encore des mérous bruns sur les étals des poissonniers ? Tout simplement parce que l’usage du filet, pour les capturer, reste autorisé. Des spécimens importés de zones non soumises à réglementation peuvent aussi être proposés à la vente. A nous consommateurs d’éviter d’acheter les espèces menacées !

La Principauté aux petits soins pour les mérous​

Depuis 1993, sous le contrôle de la Direction de l’Environnement, l’Association Monégasque pour la Protection de la Nature, assistée du Groupe d’Etude du Mérou, réalise un inventaire régulier des mérous dans les eaux monégasques, de la surface à 40 m de profondeur, auquel s’associe naturellement les plongeurs du Musée océanographique. D’année en année, les effectifs observés progressent (15 individus en 1993, 12 en 1998, 83 en 2006, 105 en 2009, 75 en 2012). Les grands spécimens de 1.40 m sont maintenant nombreux et des juvéniles de toutes tailles sont observés sur les petits fonds.

Plongeur
L’inventaire des mérous se fait en petites groupes d’apnéistes ou de plongeurs.

LE MUSÉE OCÉANOGRAPHIQUE SE MOUILLE aussi...

Le Musée vient aussi à la rescousse des spécimens en difficulté que lui confient pêcheurs ou plongeurs, comme cela a été le cas fin 2018, avec plusieurs individus atteints d’une infection virale, déjà observée par le passé à plusieurs reprises en Méditerranée en Crète, Lybie, Malte, et Corse. Avec le Centre Monégasque de Soins des Espèces Marines créé en 2019 pour soigner les tortues et les autres espèces, ces intervention sont aujourd’hui facilitées. Les mérous soignés regagnent la mer être au sein des zones protégées comme la Réserve sous-marine du Larvotto. Retrouvez la vidéo du lâcher du jeune mérou « Enzo ».

Enzo le petit mérou brun de Méditerranée relaché
L’équipe au complet avant le lâcher d’un mérou, un moment propice à la sensibilisation des usagers de la mer sur le statut de cette espèce vulnérable.
Enzo le petit mérou brun de Méditerranée relaché
Le directeur général de l’Institut océanographique, Robert Calcagno, rend sa liberté à un jeune mérou, sous l’œil du caméraman Frédéric Pacorel.

LE MEROU, STAR DE TOUJOURS à L'AQUARIUM

Nombreux sont les visiteurs à découvrir cette espèce patrimoniale au Musée océanographique. Cela ne date pas d’hier, puisque l’Aquarium, alors dirigé par le Docteur Miroslav Oxner en présentait déjà en 1920 ! L’un deux, aujourd’hui conservé dans les collections du Musée, y a vécu plus de 29 ans. 4 espèces différentes (badèche, mérou brun, blanc et royal) sont aujourd’hui visibles dans la partie dédiée à la Méditerranée totalement rénovée.
Si le mérou intrigue les visiteurs, il inspire également les artistes ! De nombreux objets à son effigie, œuvres d’art ou objets manufacturés, trônent dans les collections de l’Institut océanographique !
En 2010, un mérou du Musée servit de modèle à la réalisation du billet de banque de 100 Reais émis par la Banque Centrale du Brésil, toujours en circulation aujourd’hui, et la Principauté lui a même consacré un timbre-poste en 2018 !

aquarelle réalisée par Paul Seguin-Bertault
Une aquarelle réalisée par Paul Seguin-Bertault (circa 1947) appartenant aux Collections de l’Institut océanographique.
Brasil Billet 100 reais
Billet de 100 Reais de la Banque Centrale du Brésil (courtoisie de M. Marcia Barbosa Silveira).
roussettes mérou barba
Ancienne carte postale du Musée océanographique montrant un bassin à mérou

Un atout de l’économie bleue, du tourisme et de la pêche...

Les touristes plongeurs viennent de loin pour observer la faune sous-marine et une plongée « réussie » est souvent celle durant laquelle le mérou brun a été observé ! Plusieurs études montrent qu’un mérou vivant rapporte, durant son existence, infiniment plus d’argent que s’il est capturé pour être consommé !
Le mérou brun s’épanouit particulièrement dans les aires marines protégées (AMP) qui, gérées de manière effective, procurent d’importants bénéfices en matière de conservation de la biodiversité et de développement économique. En protégeant et en restaurant les habitats critiques (voies de migration, refuges contre les prédateurs, frayères, zones de croissance), les AMP concourent à la survie des espèces sensibles comme le mérou brun. Les adultes et les larves de différentes espèces vivant au sein d’une AMP peuvent aussi la quitter et coloniser d’autres zones, c’est le Spillover. Quand les œufs et les larves produits dans l’AMP dérivent en dehors, on parle de Dispersal. Les espèces à haute valeur marchande (mérou brun, langouste, corail rouge) parcourent ainsi des distances considérables, procurant des bénéfices écologiques et économiques dans des zones éloignées ! Les mérous bruns adultes s’écartent d’un kilomètre hors des limites de l’AMP. Les larves, quant à elles, parcourent plusieurs centaines de killomètres !

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Programme Tortues marines

Mobilisation de l'Institut océanographique pour les tortues marines

En 2015, un vaste programme d’actions a été initié autour des tortues marines : mieux les connaître, contribuer à préserver leur habitat, faire évoluer notre relation à la mer ou encore les soigner, que de pistes que l’Institut océanographique a explorées pour sensibiliser le public et les décideurs à leur situation dans le monde.

Des expéditions qui font avancer la science

Dans la grande tradition des expéditions impulsée par le Prince Albert Ier de Monaco et poursuivie notamment par le Commandant Cousteau, l’Institut océanographique de Monaco a conduit des campagnes consacrées aux tortues : en 2015 en Corse et en 2016 aux Philippines, dans le Parc national de Tubbataha Reefs.

En 2017, S.A.S. le Prince Albert II de Monaco a lancé la Principauté dans un programme dédié à la connaissance des océans et à la médiation. Ce programme vise à prendre, par exemple en s’impliquant aux côtés d’acteurs locaux, comme au Cabo Verde en 2017 sur un programme de sensibilisation ou par la pose de balises en 2018, en Martinique, pour mieux connaître le comportement et les migrations des tortues.

Photos Prince Philippines
Rana
Rana après quelques années de soins appropriés © Institut océanographique

Les protégées du Musée océanographique

« Léon », « Lisa », « Hermance », « Igor », « Rana »… Chaque tortue reçoit un nom quand elle arrive au Musée océanographique. Elle y bénéficie de soins vétérinaires attentifs et, si nécessaire, d’actes médicaux : radiologie, chirurgie, réparation de la carapace… Ainsi soignées et nourries, les tortues marines, très résistantes, récupèrent vite. Leur retour en mer, souvent parrainé par une personne médiatique, est aussi l’occasion d’attirer l’attention des médias et des décideurs sur les dangers pesant sur la survie de ces animaux bien aimés du grand public et sur les enjeux de leur conservation en Méditerranée.

Développer des actions locales sur le terrain

Dans le cadre de ces programmes thématiques, l’Institut océanographique créée des liens et partenariats avec de nombreux acteurs de terrain.

Le programme Tortues marines a été l’occasion de se rapprocher de Te mana o te moana  qui gère l’Observatoire des tortues marines en Polynésie française.

LOGO obs tortues

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couverture du livre sur les méduses - Institut océanographique

Éditions

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Albert Ier sur passerelle - Institut Océanographique de Monaco

Les grandes figures

Récifs coralliens : des solutions pour aujourd’hui et pour demain

Sauver les récifs de coraux

À l’occasion de la 3e année internationale des récifs coralliens (IYOR2018), l’Institut océanographique de Monaco a coorganisé un colloque à la Maison de l’Océan, à Paris. Celui-ci portait sur les dernières connaissances et recherches menées sur ces milieux ainsi que sur les solutions pour tenter d’enrayer leur déclin.

Ce colloque, qui s’est déroulé le 20 juin 2018, a été organisé par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), l’Institut océanographique de Monaco, le CRIOBE, la Plateforme Océan et Climat (POC) et l’Initiative Française pour les Récifs Coralliens (IFRECOR).

État des lieux, pressions et menaces

Il avait pour objectif préalable de faire le point sur les services rendus par les coraux et leurs écosystèmes, leur état de santé et les menaces auxquelles ils sont confrontés. Il s’est ensuite poursuivi avec deux tables rondes rassemblant scientifiques, gestionnaires et acteurs de la société civile autour de deux grands thèmes. D’une part, comment mobiliser et adapter la gouvernance pour mettre en place de nouveaux outils en faveur d’une meilleure protection des espaces et des espèces. D’autre part, échanger sur les dernières connaissances scientifiques concernant le fonctionnement des récifs coralliens et les solutions de gestion innovantes pour les développer à plus grandes échelles.

Corail
Corail Cerveau

L’affaire de tous ?

De nouveaux outils sont nécessaires pour mieux protéger espaces et espèces, et limiter les pressions anthropiques. Pour être efficace, la protection des récifs ne saurait être le fruit d’une approche unilatérale et il convient d’impliquer le plus grand nombre d’acteurs et de secteurs dans la protection et les choix de gouvernance. Quelles perception les communautés locales ont-elles des services rendus par les récifs coralliens ? De la place qu’ils occupent dans leur vie quotidienne ? Sur cette base, comment les mobiliser et les impliquer plus largement dans la prise de décision ? Quels outils financiers développer pour garantir la viabilité et la pérennité des politiques de conservation et de protection ?

Organisons la lutte

Les pressions et menaces qui pèsent sur les récifs coralliens sont telles que c’est leur maintien sur le globe qui est en jeu. Malgré tout, il est encore temps d’agir. Les avancées de la science ont mis en évidence des mécanismes d’adaptation jusqu’alors inconnus chez certaines souches coralliennes, et divers acteurs se saisissent de ces résultats et se mobilisent pour assurer la pérennité des récifs.

Tortue

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couverture du livre sur les méduses - Institut océanographique

Éditions

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Explorations de Monaco

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L’Océan en questions

Les méduses, ces nouveaux seigneurs des mers

La gélification des océans, mythe ou réalité ?

De plus en plus nombreuses dans l’océan mondial, les méduses, animal à la fois fragile et redoutable, pourraient s’imposer face aux poissons et menacer sérieusement les équilibres marins déjà malmenés. Robert Calcagno, directeur général de l’Institut océanographique, et Jacqueline Goy, attachée scientifique à l’Institut océanographique, décryptent cet inquiétant phénomène lors d’une conférence donnée le 14 mai 2014 à la Maison des océans à Paris. Nassera Zaïd nous en fait le compte-rendu. 

Que savons-nous vraiment des méduses ?

Souvent associée à la douleur de leurs piqûres, les méduses sont des « organismes gélatineux qui fascinent depuis toujours le public et les scientifiques », introduit Robert Calcagno. Près de 1 000 espèces ont été identifiées, dont la Pelagia noctiluca, très présente en Méditerranée. 

Les  formes des méduses sont variées et leur taille va de quelques millimètres à plus de deux mètres de diamètre. 98% d’eau compose leur organisme, formé d’une partie bombée (l’ombrelle), où se situent la bouche et les organes de reproduction (ou gonades), que l’on peut observer par transparence. 

Tout autour, une série de tentacules dotés de cellules urticantes sert à harponner les proies. Leur piqûre est paralysante, voire mortelle comme pour la méduse Chironex fleckeri qui vit le long des côtes australiennes.

Photo Méduses

Les méduses, un instinct de prédateur ?

« Les méduses mangent en permanence pour se reproduire », explique Jacqueline Goy, qui étudie les cnidaires depuis trente ans. 

Fécondé dans l’eau, chaque œuf produit une larve, la planula, qui va se fixer sur le fond et développer un polype qui lui-même va se multiplier par bourgeonnement pour donner naissance à une colonie de méduses. 

Chasser est une nécessité, d’où son instinct de prédateur. Malgré cela, « les méduses sont des animaux très fragiles. C’est un animal qui n’est pas protégé. Il n’a pas de carapace, ni de coquille comme les mollusques, ni de test comme les oursins ». Une morphologie particulière qui fait penser, « à une goutte d’eau dans la mer, se promenant au gré des courants », décrit la spécialiste. 

Pourtant cette vulnérabilité physique n’écarte pas le danger redouté par les scientifiques : sa reproduction en masse.

Méduse Pélagie Pelagia noctiluca
Pelagia noctiluca, très répandue en Méditerranée mais que l’on trouve aussi sur les côtes atlantiques © Michel Dagnino – Institut océanographique.

Chronique d'une invasion annoncée ?

« Les méduses sont actuellement en train de prendre le pas sur tous les autres organismes marins et de devenir prépondérantes dans les mers », constate Jacqueline Goy.

Une prolifération croissante qui depuis plusieurs années prend des allures de colonisation incontrôlable. 

« Auparavant, il y avait des cycles de pullulation tous les douze ans, explique Robert Calcagno. On parlait même “d’année à méduses”. Mais depuis les années 1980, et surtout depuis les années 2000, toutes les années sont des années à méduses. On pourrait même dire : il n’y a plus d’années sans méduse ». 

C’est principalement l’impact des activités humaines sur les océans qui expliquerait ce changement. Avant tout, la surpêche. « En capturant des tonnes de poissons (80 millions sont pêchés chaque année), les chalutiers éradiquent un certain nombre de prédateurs pour les méduses, tels les thons, les tortues, les poissons-lunes … Ils suppriment aussi leurs concurrents, les petits poissons, les anchois ou les sardines qui se nourrissent du même zooplancton. »

Méduse aequora M. Dagnino
Pullulation d’Aequorea © Michel Dagnino – Institut océanographique

Les activités humaines, causes de cette pullulation ?

« Les méduses sont actuellement en train de prendre le pas sur tous les autres organismes marins et de devenir prépondérantes dans les mers », constate Jacqueline Goy.

Une prolifération croissante qui depuis plusieurs années prend des allures de colonisation incontrôlable. 

« Auparavant, il y avait des cycles de pullulation tous les douze ans, explique Robert Calcagno. On parlait même “d’année à méduses”. Mais depuis les années 1980, et surtout depuis les années 2000, toutes les années sont des années à méduses. On pourrait même dire : il n’y a plus d’années sans méduse ». 

C’est principalement l’impact des activités humaines sur les océans qui expliquerait ce changement. Avant tout, la surpêche. « En capturant des tonnes de poissons (80 millions sont pêchés chaque année), les chalutiers éradiquent un certain nombre de prédateurs pour les méduses, tels les thons, les tortues, les poissons-lunes … Ils suppriment aussi leurs concurrents, les petits poissons, les anchois ou les sardines qui se nourrissent du même zooplancton. »

Tout va bien pour la méduse
Les activités humaines sont favorables aux populations de méduses © Caroline Pascal - Institut océanographique

Des dommages irréversibles pour les océans ?

« Les méduses sont finalement redoutables, conclut Robert Calcagno. Il suffit pour le comprendre de regarder les statistiques et de constater que, chaque année, plus de cinquante personnes décèdent à la suite de piqûres de méduses contre dix pour les attaques de requins. Mais personne n’en parle tellement. » Et leur impact ne se limite pas aux brûlures. Une autre victime de la méduse est l’économie. 

« Les pullulations ont déjà mis des bateaux en difficulté comme cela s’est produit, raconte Robert Calcagno, pour un chalutier japonais qui a chaviré sur une mer parfaitement calme à cause du poids des amas de méduses pris dans son filet.». 

Les entreprises d’aquaculture sont aussi victimes de ces agglomérats de cnidaires qui viennent se nourrir des alevins et anéantissent ainsi les élevages. La Namibie, réputée autrefois pour la qualité de sa pêche, a vu ses réserves halieutiques disparaître à cause de la surpêche au profit des méduses. Alors quelles solutions s’offrent à nous ?

Le danger n'est pas forcément où l'on croit
Même si les statistiques sur les mortalités par les méduses sont moins bien renseignées que pour les requins , Les méduses provoquent plus de décès humains. © Caroline Pascal - Institut océanographique.

Comment remédier à l'invasion des méduses ?

Plusieurs inventions ont vu le jour, même les plus invraisemblables, comme « le robot destructeur de méduses » qui, une fois plongé dans l’eau, détecte et broie les animaux avec une hélice. « Le remède est pourtant pire que le mal, s’étonne Jacqueline Goy, puisqu’en les découpant ainsi, les cellules de reproduction se libèrent et se multiplient».

Autre solution expérimentée, un filet de protection pour les plages. Son coût élevé rend toutefois sa généralisation difficile sur nos côtes. 

La prévention par modélisation pour alerter le public de l’avancée des méduses, organisée par l’Observatoire océanologique de Villefranche-sur-Mer sous forme de Météo-méduses, peut juste aider à mieux s’en protéger. 

Dernière option : les manger. « Notons toutefois que seule une douzaine d’espèces sur 1 000 sont comestibles, précise Jacqueline Goy. La haute teneur en eau des méduses n’en fait pas, de surcroît, un aliment très nutritif ».

« Une fois que les méduses sont installées, c’est déjà trop tard, regrette Robert Calcagno. Il faut rétablir l’équilibre des océans, comme il y a 50 ans. » Comment ? En contrôlant et favorisant la pêche raisonnée, en développant les transports maritimes propres et les stations d’épuration, et en recyclant l’eau chaude rejetée par les centrales nucléaires pour chauffer des serres par exemple. »

Filet anti-méduses ©M.Dagnino
Filet pour protéger les baigneurs des méduses sur une plage monégasque. © Michel Dagnino – Institut océanographique
Cartographie des méduses en région PACA
Réseau d'observation de la prolifération des méduses en région PACA © meduse.acri.fr

Programme Méduses : les conférences de l'Institut océanographique

Méduses, ces nouveaux seigneurs des mers
Robert Calcagno et Jacqueline Goy
14 mai 2014 - Maison des Océans Paris

Médazur : météo Méduses en Méditerranée
Gabriel Gorsky
11 juin 2014 - Maison des océans - Paris

Voir aussi

Méduses : le livre

Méduses, à la conquête des océans

Jacqueline Goy, océanographe-biologiste spécialisée dans l’étude des méduses, et Robert Calcagno, directeur de l’Institut océanographique de Monaco, cosignent le livre « Méduses, à la conquête des océans » édité en 2014. Très documenté et largement illustré, cet ouvrage nous aide à mieux connaître ces organismes, à la fois redoutés et fascinants, et à comprendre comment le changement climatique favorise leur expansion.

Si la connaissance des méduses a heureusement progressé récemment, mon inquiétude face à l’épuisement des océans aussi. Car il est certain que les méduses apparaissent comme les seules espèces qui prospèrent dans tout l’océan et tirent parti de tous nos excès. […] Elles nous montrent clairement une voie que nous ne voulons pas suivre, mais sur laquelle nous nous laissons entraîner par notre appétit à court terme. Nous avons jusqu’ici associé mer et liberté, laisser-faire. Nous avons pris nos aises avec les océans comme avec notre environnement en général.

Et si les océans étaient en train de se « gélifier » ?

Les méduses prospèrent. Gracieuses et d’apparence si fragiles, elles s’adaptent redoutablement aux pollutions marines, profitent des excès de la pêche et conquièrent peu à peu nos mers. La gélification des océans est-elle inéluctable ? Jusqu’où iront les méduses ? 

Au travers du livre-documentaire « Méduses : à la conquête des océans », l’Institut océanographique met en perspective la dégradation de la santé des océans et la pullulation des méduses. Une piqûre de rappel sur les risques d’une surexploitation irréfléchie et déraisonnée du milieu marin. 

Les méduses, sentinelles, nous alertent notamment sur la qualité des eaux. Ce livre interroge ainsi la relation de l’homme à la mer, au milieu naturel et aux équilibres fragiles qu’il est vital de conserver.

Illustration Méduses
Jules Verne, Vingt Mille Lieues sous les mers, Illustrations de Neuville et Riou, Hetzel s.d. Collection privée.
Tout va bien pour la méduse
Les activités humaines sont favorables aux populations de méduses © Caroline Pascal - Institut océanographique

Les méduses auraient-elles des pouvoirs insoupçonnés ?

L’apparente fragilité de ces organismes cache une redoutable efficacité. D’apparence primitive, ils se laissent porter par les courants et vont en fait à l’essentiel : se nourrir et se reproduire. Leur efficacité et leur robustesse sont cependant exceptionnelles. 

Leur cycle de vie est étonnant, entre mise en sommeil et reproduction massive, allant jusqu’au rajeunissement quand le besoin s’en fait sentir. Les méduses détiennent la clé de l’immortalité. Elles ont aussi une exceptionnelle capacité d’adaptation. Elles se sont adaptées à tous les océans, jusqu’à l’eau douce. 

Aujourd’hui, elles résistent sans mal à nos excès, lorsque nous polluons les océans, avec nos nitrates, nos médicaments ou nos déchets plastiques… Après avoir profité de l’essor du transport maritime pour conquérir de nouveaux espaces, elles n’attendent plus que le changement climatique pour lancer leur prochaine offensive.

Homme et méduses, amis ou ennemis ?

Les méduses peuvent provoquer jusqu’à la paralysie de nos activités. Sur les plages européennes, les méduses sont le cauchemar des vacanciers. À l’autre bout du monde, leurs piqûres peuvent être mortelles. Et elles s’attaquent aussi à la pêche, à l’aquaculture, jusqu’aux centrales nucléaires qu’elles étouffent ! 

Pourtant, l’homme est le principal allié des méduses : la surpêche les débarrasse de leurs prédateurs et concurrents ; les pollutions diverses les nourrissent ou renforcent d’avantage leur robustesse. En leur offrant ainsi les océans, il leurs permettent de jouir d’un nouvel âge d’or.

Carte du monde Méduses
Les activités humaines impactées par la présence des méduses dans le monde ces dernières années, de manière permanente ou accidentelle. © Caroline Pascal - Institut océanographique
couverture du livre sur les méduses - Institut océanographique
Méduses : à la conquête des océans © Editions du Rocher. 2014

Découvrir les méduses avec l’Institut océanographique

Malgré leur simplicité, les méduses peuvent aussi nous rendre quelques services et ont déjà suscité deux prix Nobel. Peut-être un jour partageront-elles le secret de l’immortalité ? La science part à l’assaut de leurs secrets. 

Les méduses sont ainsi au cœur d’un programme complet porté par l’Institut océanographique de Monaco. Les aquariums du Musée océanographique proposent une vraie rencontre avec les méduses (aurélies, cassiopées…).

En outre, des conférences et des expositions temporaires ont été organisées en 2014 sur le thème « Les nouveaux seigneurs des océans : Requins ou bien Méduses ? », tant à la Maison de l’Océan, à Paris, qu’au Musée océanographique, à Monaco. 

L’ouvrage « Méduses : à la conquête des océans » vient approfondir ce programme. Il est édité par les Éditions du Rocher et disponible au prix de 19,90€.

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couverture du livre sur les méduses - Institut océanographique

Éditions

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Explorations de Monaco

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L’Océan en questions

Les méduses et l’homme

Redoutées depuis l’Antiquité, les méduses sont étudiées par les scientifiques depuis le XXe siècle seulement. Aujourd’hui, on découvre leurs capacités d’adaptation et de régénération. Cet animal gélatineux est une mine d’or pour la recherche médicale et biochimique, qui espère utiliser leurs particularités pour soigner. Mais les méduses prolifèrent, jusqu’à peut-être modifier les biotopes, et semblent profiter pour cela de la baisse des stocks de poissons. Faisons le point avec Jacqueline Goy, auteur de cette fiche scientique.

Les méduses, redoutées à juste titre ?

Dès l’Antiquité, les nuisances dues aux méduses ont incité Aristote à leur donner le nom de « cnide » (urticant en grec) et, en hommage, les savants ont créé le groupe des cnidaires pour désigner l’ensemble des animaux possédant cette fonction.

Les piqûres de méduses n’ont pas toutes la même gravité et, sur nos côtes, elles provoquent de simples démangeaisons ou une ulcération profonde. C’est justement ce qu’ont ressenti les marins en triant des poches de chalut remplies de physalies lors de campagnes du Prince Albert Ier de Monaco au large des Açores. Les physalies ne sont pas des méduses mais des siphonophores dont les longs tentacules récupèrent les proies en les paralysant grâce à leurs toxines. Étudiée par deux savants, Charles Richet et Paul Portier, que le Prince embarque, et testée sur des animaux, la toxine a un effet sur le cœur et les poumons, plus violent au second contact. Les deux savants ont appelé cette réaction l’anaphylaxie, le contraire de la phylaxie ou protection. C’est le paroxysme des allergies. Charles Richet a reçu le prix Nobel de médecine et de physiologie en 1913.

Phyllorhyza punctata

Mangerons-nous des méduses à la place des poissons ?

La surpêche laisse disponible une nourriture non consommée par les poissons, les méduses en profitent, ce qui favorise leur croissance. L’augmentation de la température de l’eau peut accélérer la reproduction des méduses, et les jeunes ne risquent pas de souffrir de disette dans cet environnement trophique si favorable. Cette gélification générale des océans due à l’activité humaine traduit une déviation dangereuse pour l’économie des mers car les méduses n’ont pas une grande valeur alimentaire. Les manger – les boire serait plus juste à cause des 96 % d’eau qu’elles contiennent – ne constitue pas un repas énergétique.

Pas si éloignées des humains ?

Les méduses ont des yeux répartis sur le bord de l’ombrelle : simples taches pigmentaires ou présentant une cornée, un cristallin et une rétine à couche pigmentaire bipolaire. C’est la première ébauche de céphalisation, dont l’étude donne des perspectives intéressantes pour les cicatrisations en cas de dégénérescence de la rétine. Autre surprise après la maladie de la vache folle qui a orienté la recherche de collagène vers d’autres animaux que les bovins, c’est la découverte d’un collagène de type humain chez les méduses. Il sert de fausse peau pour les victimes de brûlures, de support de culture en cytologie et se révèle un antirides efficace en cosmétologie.

Méduse

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Albert Ier sur passerelle - Institut Océanographique de Monaco

Les grandes figures

La grande famille des méduses

Tout ce qui est gélatineux, n'est pas méduse !

En anglais, le terme jellyfish décrit le plus souvent l’ensemble du plancton gélatineux qui comprend en plus des méduses, d’autres animaux comme les siphonophores (physalies…), les thaliacés (salpes, pyrosomes…) et les cténophores (groseilles de mer, béroés…). En ce qui concerne les méduses, on distingue quatre grands groupes selon leur cycle de vie.

LES « VRAIES » MéDUSES, LES SCYPHOMÉDUSES

Leur taille varie de quelques millimètres jusqu’à deux mètres de diamètre, leurs tentacules peuvent être inexistants ou nombreux et mesurer plusieurs dizaines de mètres.

Leurs formes sont variées : rondes, carrées, plates, en dôme, massives… Leur pourtour peut être lisse ou lobé.

Selon l’espèce, les bras oraux peuvent être lisses, festonnés ou en chou-fleur.

Les scyphoméduses ont de manière générale un stade de vie libre et un stade de vie fixée. On en connaît 190 espèces, dont Pelagia noctiluca et Aurelia aurita.

Méduse Pélagie Pelagia noctiluca
Pelagia noctiluca © Michel Dagnino – Institut océanographique
Méduse aequorea ©F.Pacorel
Aequorea forskalea © Frédéric Pacorel – Institut océanographique

LES HYDROMéDUSES

On dénombre 840 espèces d’Hydroméduses, dont seulement 20 % ont un cycle de vie connu.

Elles possèdent un stade fixé appelé polype et un stade libre appelé méduse, comme l’équorée et la vélelle.

On observe souvent des concentrations de vélelles (Velella velella) appelées aussi barques de Saint-Jean au mois de juin au moment du solstice d’été.

Après une tempête, on peut les retrouver échouées par milliers le long des plages.

Á condition de ne pas être allergique, la vélelle ne présente aucun danger pour l’homme.

Echouage de vélelles dans la région de Nice © Pierre Gilles.
Echouage de vélelles dans la région de Nice © Pierre Gilles.

LES CUBOMÉDUSES

Avec leur ombrelle cubique, ce sont les plus dangereuses de toutes.

Sur une quarantaine d’espèces, leur cycle de vie est connu pour à peine 10 % d’entre elles.

Parmi les cuboméduses, la fameuse Chironex fleckeri, appelée « piqueur marin », « guêpe de mer » ou encore « main de la mort », vit dans les eaux du littoral nord-australien et du sud-est asiatique.

L’espèce Carybdea marsupialis est parfois présente l’été dans les eaux tempérées chaudes de l’océan Atlantique nord et de la Méditerranée.

Carybdea marsupialis
Carybdea marsupialis © Alessandro Sabucci/CC BY-SA
Lipkea ruspoliana dans un des aquariums du Musée océanographique de Monaco
Lipkea ruspoliana dans un des aquariums du Musée océanographique de Monaco © Michel Dagnino - Institut Océanographique de Monaco

DES MÉDUSES RARES ET ÉNIGMATIQUES, LES STAUROMÉDUSES

Le quatrième groupe très particulier se compose d’une vingtaine d’espèces qui vivent fixées sur le sol ou sur une paroi, et n’ont pas de stade libre.

Une stauroméduse rare, Lipkea ruspoliana, a été identifiée en 1998, dans les aquariums du Musée océanographique de Monaco. Elle n’avait jamais été retrouvée en Méditerranée depuis sa première description en 1886 par Carl Vogt, d’après un spécimen alors pêché sur les côtes nord-ouest de la Sardaigne. Le spécialiste japonais Tohru Uchida la considère en outre comme la forme ancestrale de tous les Cnidaires !

En terme d’évolution Lipkea est aux méduses ce que le poisson cœlacanthe est aux Vertébrés.

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couverture du livre sur les méduses - Institut océanographique

Éditions

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L’Océan en questions

Albert Ier sur passerelle - Institut Océanographique de Monaco

Les grandes figures

S’engager pour les Requins

2013, le programme Requins de l'Institut océanographique

Opérations de sensibilisation, expositions dédiées au Musée océanographique, animations pour tous, réunions scientifiques internationales : la préservation des requins est un enjeu fort pour l’Institut océanographique. Au travers de son grand programme d’action « Requins », initié en 2013, l’Institut invite à la rencontre de ces seigneurs des mers, aussi fascinants que méconnus et plaide pour une gestion équilibrée de la problématique de cohabitation qui se pose à nous…

Les requins, essentiels à l’équilibre des océans, sont menacés

Clés de voûte des écosystèmes marins, les requins en assurent l’équilibre et la vitalité. Si les requins venaient à disparaître ou à se raréfier, les écosystèmes s’en trouveraient perturbés, jusqu’à menacer en cascade de nombreuses autres espèces. Après 400 millions d’années de domination des océans, les populations de requins ont diminué de 80 à 99 % ces 50 dernières années. Pour éviter cette catastrophe, l’Institut océanographique cherche à promouvoir une cohabitation apaisée entre hommes et requins, y compris dans les rares cas où les requins présentent un risque pour l’homme.

Mission Malpelo
Requin boite à outils

Des ateliers de travail et d’échange pour protéger les requins

Avec ses partenaires, l’Institut océanographique organise régulièrement des ateliers de travail de haut niveau. C’était par exemple le cas en 2013 lors des deux échanges entre experts internationaux sur la cohabitation entre l’homme et les requins. Ces échanges permettent d’avancer dans la connaissance et la protection des requins comme des activités humaines, notamment lorsqu’il y a risque d’accident : ces rencontres ont abouti à la création d’un document unique à ce jour : la « boîte à outils face au risque requin ».

Qu’est-ce que la « Monaco Blue Initiative » ?

Lancée en 2010 par S.A.S. le Prince Albert II de Monaco, la Monaco Blue Initiative est une plateforme de discussion co-organisée par l’Institut océanographique – Fondation Albert Ier, Prince de Monaco et la Fondation Prince Albert II de Monaco. Elle réunit ses membres une fois par an pour aborder les défis mondiaux présents et à venir de la gestion et de la conservation des océans. Cet événement propose un environnement stimulant pour encourager les échanges entre les entreprises, les scientifiques et les décideurs, pour analyser et promouvoir les synergies possibles entre la protection du milieu marin et le développement socio-économique. 

Monaco Blue Initiative 2019

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Les Explorations de Monaco

Albert Ier sur passerelle - Institut Océanographique de Monaco

Les grandes figures

Hommes ou requins : qui sont les dents de la mer ?

Symbole d’une nature sauvage et insoumise, le requin représente la limite de notre domination des mers, cette frontière que certains tiennent absolument à repousser jusque dans les abysses. Dans cette tribune parue en 2013, Robert Calcagno interroge les rapports entre les hommes et les requins.

Tribune de Robert Calcagno, directeur général de l’Institut océanographique, Fondation Albert Ier, Prince de Monaco, parue dans le Huffington Post le 22 janvier 2013.

Une question de réputation

Dans notre culture occidentale, les requins ont toujours hérité des qualificatifs les plus détestables. Détenteurs du statut peu enviable de bouc-émissaires, ils ont été rendus responsables de toutes les difficultés rencontrées par l’homme dans sa conquête du milieu marin. La légende les a faits dévoreurs de naufragés lorsque les premières embarcations ont fait route vers le large, mangeurs de pilotes d’avion lorsque les premières carlingues ont été retrouvées en mer, et même concurrents déloyaux des pêcheurs lorsque les prises s’avéraient insuffisantes.

Aucune accusation ne leur a été épargnée, pas même celle de chasseurs d’hommes. Depuis le film « Les dents de la mer » (1975) , il semble admis que les requins s’adonnent à la traque de baigneurs, surfeurs et autres véliplanchistes jusque sur le bord des plages. Quand un accident survient, il en faut peu alors pour que l’homme, dans un déferlement de haine, ne réclame justice.

Quel animal marin peut aujourd’hui prétendre égaler la couverture médiatique du requin ou jouir d’une réputation aussi détestable ? À aucun moment, pourtant, l’homme ne se remet en cause. Jamais il n’établit de corrélation entre la hausse du nombre d’attaques et le boum des activités nautiques, lequel accroît considérablement la probabilité d’une rencontre entre l’homme et la bête. Car des deux, quel est celui qui envahit le territoire de l’autre ?

Requin vitre

Le danger est ailleurs

Symbole d’une nature insoumise, le requin représente la limite de notre domination des mers, cette frontière que certains tiennent absolument à repousser jusque dans les abysses. Alors que les océans sont aujourd’hui appréciés comme l’un des derniers espaces de liberté, revendiqué par les adeptes de sports nautiques et sous-marins, l’homme cherche à y introduire contrôle et maîtrise. Quel sens aurait donc une liberté qui s’exercerait dans un monde policé et aseptisé ?

Focaliser ainsi sur la domination de la nature revient à méconnaître l’origine du danger, car celui-ci vient beaucoup plus de l’intérieur de ces terres que nous pensons contrôler. Alors que les requins tuent moins d’une dizaine de personnes par an dans le monde, l’effondrement de tunnels de sable creusés aux États-Unis causent à eux seuls autant de décès. En France, près de 500 personnes meurent chaque été d’une noyade accidentelle, dont plus de 50 en piscine. Sans parler des risques, incomparablement supérieurs, d’accident sur la route des plages ! En quoi l’éradication totale des requins aurait-elle un effet positif sur ces statistiques ?

Si les requins ont échappé, depuis leur apparition voici près de 400 millions d’années, à toutes les crises d’extinction, survivant par exemple aux dinosaures, l’homme met aujourd’hui un acharnement rare à les faire disparaître. Pêchés spécifiquement, le plus souvent pour leurs ailerons, ou pris dans la grande nasse de la surpêche mondiale, ils sont plus de 50 millions à disparaître chaque année. La plupart des stocks de squales connus ont diminué de 80 à 99 % depuis les débuts de la pêche industrielle, au milieu du XXe siècle. Sans état d’âme, voire avec la satisfaction de se débarrasser de concurrents ou de gêneurs, l’homme réduit les océans à de vastes piscines.

Accepter une mer sauvage

Certaines cultures insulaires auraient pourtant pu nous éclairer. Nourrissant une toute autre relation à la mer, elles respectent les requins comme l’incarnation d’une nature qui donne et reçoit, qui nourrit et tue, sans méchanceté aucune et parfois même avec clairvoyance, pesant les âmes pour sélectionner victimes et miraculés.

L’Occident a préféré de son côté rompre l’harmonie et opter pour l’affrontement. Nous méconnaissons ainsi le rôle déterminant des requins pour maintenir l’équilibre et la vitalité des écosystèmes marins, en contrôlant les étages inférieurs de la pyramide alimentaire et en sélectionnant les proies affaiblies. Localement, la disparition des requins a déjà conduit à des bouleversements notables : multiplication des raies qui ont fait disparaître le gisement de pétoncles centenaire de la côte nord-est des États-Unis ou développement des poulpes qui se sont régalés de langoustes néo-zélandaises. À grande échelle, le trafic intensif de ces animaux nous conduit tête baissée vers l’inconnu. Nous allons certainement vers la domination absolue, mais une domination sur des océans appauvris et stériles.

Notre lutte aveugle contre les requins atteste des faibles leçons de vie retenues jusqu’alors. En souhaitant repousser toujours plus loin les limites du milieu naturel et les derniers grands animaux sauvages, nous refusons toute cohabitation qui ne serait pas basée sur la domination. Accepter la nature revient pourtant à accepter que certains espaces échappent à nos règles et exigences. Au-delà de nous questionner sur les océans, interrogeons-nous sur les hommes que nous voulons être…

N’est-il pas urgent de faire preuve d’altruisme en démontrant que notre liberté sait aussi s’arrêter devant celle d’autres espèces qui, bonnes ou mauvaises, utiles ou inutiles, ont pour caractéristique première de partager notre planète bleue ? C’est au prix de ce changement de posture philosophique que l’humanité pourra trouver équilibre et sérénité.

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Explorations de Monaco

Albert Ier sur passerelle - Institut Océanographique de Monaco

Les grandes figures

LES REQUINS
menaçants ou menacés ?

Requins : du mythe à la réalité

L’évocation de l’animal fait encore peur et reste très impopulaire. On qualifie souvent de « requin » une personne impitoyable en affaires ! Pourtant, au-delà de l’image mythique du requin, la réalité est bien différente.

Dépasser ses préjugés sur les requins !

En 2013, le programme « Requins, au-delà du malentendu » de l’Institut océanographique visait à changer le regard sur les requins. Des conférences à la Maison de l’Océan, à Paris, ont permis au public d’échanger avec les plus grands spécialistes et les amoureux des requins venus témoigner de leur expérience exceptionnelle au plus près de ces grands prédateurs.

Le livre « Requins, au-delà du malentendu » fait le point sur ces super prédateurs à la  terrible réputation.

Requins, fascinants seigneurs des mers

Un aileron fend subitement la surface avant de plonger à l’approche d’un baigneur… Voilà une vision qui suffit à vider en quelques secondes la plage la plus bondée. Une représentation gravée dans notre imaginaire, qui cristallise toutes nos peurs.

Toujours à l’affût d’une proie à son goût, qui aura bien peu de chances d’échapper à sa vigilance, à le distancer ou à résister à son impressionnante mâchoire, les requins ont la réputation d’être les plus féroces des animaux marins, et les « meilleurs ennemis »de l’homme.

L’image du super-prédateur nous hante depuis des siècles. Le cinéma comme les médias sont là pour terroriser jusqu’aux plus marins d’entre nous. La réalité n’est pas aussi caricaturale. Ces poissons, bien moins dangereux qu’on ne le croit, n’en sont pas moins fascinants.

Requins Menaçants
Requins Infors

Le requin, un super prédateur

Pour détecter les proies, le requin est pourvu d’une quantité d’organes et de capteurs sensoriels qui lui permette de s’orienter et de se déplacer, ce qui en fait un prédateur efficace.

Ce n’est donc pas un sens en particulier qui donne au requin l’avantage mais plutôt la complémentarité et la synergie entre tous ceux-ci. Selon les conditions du milieu, ils se révéleront utiles à différents moments.

L’odorat est efficace sur quelques dizaines de kilomètres, pour détecter les proies à distance ; la vision permet de préparer l’attaque sur quelques dizaines de mètres, et la détection des champs électriques d’explorer les alentours dans un rayon de deux mètres.

Les super pouvoirs des requins

Les requins ont-ils des oreilles ?

Les requins ont-ils une bonne vue ?

Les requins ne possèdent pas d’oreilles à proprement parler, mais des pores placés sur le dessus de la tête.

En l’absence de tympan, c’est le corps entier qui joue le rôle de récepteur des vibrations sonores qui sont ensuite transmises à l’oreille interne.

Celle-ci, particulièrement performante, gouverne non seulement l’audition mais aussi l’équilibre et l’orientation.

Les squales sont sensibles aux basses, voire très basses fréquences, qui se propagent le mieux en milieu aqueux.

Souvent gênée par la turbidité de l’eau, la vue est peut-être le sens le moins sollicité chez les requins dans la recherche et la détection des proies.

En général ce sont surtout les contrastes qu’ils distinguent particulièrement par une vision crépusculaire.

La lueur que l’on peut observer dans le regard du grand blanc à la nuit tombante ou dans une semi-obscurité, est due à la présence d’une sorte de réflecteur, le tapetum lucidum (locution latine signifiant « tapis luisant ») qui améliore la vision sous faible luminosité.

L'odorat, un sens très performant

Les ampoules de Lorenzini

Les requins sentent « en stéréo » et détectent l’endroit d’où provient l’odeur, et remontent jusqu’à sa source sur une dizaine de kilomètres. Ils sont sensibles à des dilutions, pour le sang, de l’ordre d’un centilitre (la valeur d’un dé à coudre) dilué dans 100 000 litres d’eau.

Ce sont de minuscules pores éparpillés autour des yeux et de la bouche, qui détectent les faibles courants électriques produits par les êtres vivants (même ceux qui sont enfouis dans le sable), ainsi que les variations de température et de salinité de l’eau.

La sensation de toucher chez les requins

Le système latéral, un capteur spécifique

Le toucher très développé s’apparente à une sorte de « goût cutané » rendu possible par la présence sur tout le corps de cryptes sensorielles  Ces récepteurs, distribués sur l’ensemble du corps, permettent au requin d’apprécier son environnement dans lequel il évolue.

Ainsi, un simple contact suffit à indiquer au requin si la proie qu’il envisage lui convient. C’est pourquoi il se contente parfois de bousculer sans mordre.

La force de l’animal et la rugosité de la peau rendent toutefois ce contact dangereux.

Mais il possède également un « vrai » goût, via les bourgeons gustatifs, appelés aussi « organes en tonnelet », qui tapissent sa cavité buccale

Les requins ne perçoivent pas leurs proies uniquement par l’odorat.

Comme les autres poissons, ils possèdent le long d’une ligne qui va de la tête à la queue, des milliers de pores qui sont des capteurs de pression et de vibrations mécaniques.

La présence de ces organes explique pourquoi les squales réagissent de façon aussi immédiate aux sons produits dans l’eau par des coups ou des objets qui s’entrechoquent.

Le danger n'est pas forcément où l'on croit

Les attaques de requins sont-elles toutes mortelles ?

On ne sait pas pourquoi les requins attaquent parfois des humains. On invoque souvent une méprise ou une réaction de défense. On peut aussi penser que, pour le requin, l’homme pourrait être perçu comme une proie potentielle, même s’il ne fait pas partie de son régime alimentaire habituel.

Compte tenu des rapports de taille et de force entre un homme et un requin, une morsure, même si elle est le fait d’une méprise, peut être grave et même fatale pour la victime.

Les quelques dizaines d’attaques répertoriées annuellement dans le monde entier ne sont pas toujours synonyme de morts. En termes d’animaux dangereux, ce sont les moustiques qui tiennent le haut du pavé en tant que serial killers. Même les chiens, animaux domestiques très proches de l’Homme, tuent davantage que les requins.

Attaques sous haute surveillance

Le premier fichier mondial des attaques de requins, l’International Shark Attack File (ISAF), a vu le jour aux États-Unis à partir de 1958.

Élaboré par un groupe de scientifiques à la demande de la Marine américaine, son objectif était de rechercher le rôle respectif des facteurs environnementaux et des caractéristiques des victimes dans le déclenchement des attaques.

L’impact des accidents de requins sur l’industrie touristique, a amené la création de nouvelles structures de recherches et banques de données : l’Australian Shark Attack File en Australie et le Natal Sharks Board en Afrique du Sud, permettant désormais de comparer plus aisément les chiffres d’attaques de requins.

En 2013 et en 2014, sous l’impulsion et la présidence de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco, l’Institut océanographique a organisé deux ateliers d’experts internationaux sur les requins pour  créer une « Boîte à outils face au risque requin ».  Son objectif : regrouper les solutions existantes dans le monde pour se prémunir des attaques de requins, tout en mettant en perspective la réalité des risques encourus par l’homme.

Menaçants mais aussi menacés !

Les requins sont victimes de la pêche et des mauvaises pratiques. L’industrialisation de la pêche, la voracité de l’homme pour des produits issus du requin font que 50 à 150 millions de ces animaux sont tués chaque année par l’homme.

La maturité sexuelle très tardive des requins et une progéniture peu nombreuse sont des facteurs limitants du renouvellement de leurs populations, et aujourd’hui les populations de requins sont clairement menacées.

 

Requins Pêche

La soupe de l'horreur

Plus des deux tiers des requins sont pêchés uniquement pour leurs ailerons. Pour satisfaire une demande croissante, certains pêcheurs ont trouvé une solution extrêmement rentable qui consiste à couper les ailerons sur le lieu de pêche et à rejeter à la mer un animal de toute façon condamné à mort. C’est ce qu’on appelle le « finning ».

Sur 100 millions de requins tués chaque année, 73 millions le sont pour la soupe. Certains pays interdisent cette pratique en mer et obligent les pêcheurs à ramener les requins entiers au port, pour tenter de limiter le massacre et ne pas gaspiller cette ressource.

La soupe aux ailerons de requins est un mets traditionnel chinois très prisé, aux vertus soi-disant aphrodisiaques. Longtemps réservée aux repas de fêtes à Hong Kong, où 89 % de la population en sert aux repas de mariage, elle est devenue accessible à des millions de personnes dans les années 1990, à la suite du boom économique asiatique.

Requin

Les requins, essentiels à l’équilibre des océans

Clés de voûte des écosystèmes marins, les requins en assurent l’équilibre et la résilience.

Si les requins venaient à disparaître ou à se raréfier, les écosystèmes s’en trouveraient perturbés, jusqu’à menacer  par « effet cascade » de nombreuses autres espèces.

Quand un prédateur disparaît, ses proies habituelles se développent rapidement et accroissent à leur tour la pression sur leurs proies.

C’est tout l’écosystème qui se retrouve perturbé par la disparition ou la raréfaction des prédateurs supérieurs, y compris les différentes espèces qui présentent un intérêt commercial.

L’industrie de la pêche peut donc pâtir d’une l’élimination qu’elle a pourtant provoquée.

Requin et stockage du carbone

On le sait depuis peu, par la biomasse qu’ils représentent, les cétacés et les grands poissons pélagiques comme les requins et les thons jouent un rôle important dans la problématique du changement climatique.

Contenant 10 à 15 % de carbone dans leur chair, ils séquestrent énormément de carbone dans l’Océan. Quand ils meurent par mortalité naturelle, de vieillesse ou mangés par des prédateurs, le carbone qu’ils contiennent est recyclé en matière vivante ou enfoui au fonds de l’Océan, séquestré pendant des milliers, voire des millions d’années.

En revanche, quand ils sont pêchés et extraits de l’Océan, le carbone est alors mis en circulation à la surface de la Planète et finissent en CO2, contribuant à l’effet de serre. A cela, il faut ajouter les importantes quantités de CO2 dégagées par les activités de pêche elles-mêmes, menées dans des endroits toujours plus éloignés.

Pour lutter contre le changement climatique, certains experts préconisent de restaurer les pêcheries et les prédateurs apex, donc d’arrêter de les pêcher et de les laisser tout simplement dans l’eau.

La protection et la conservation des requins : une urgence mondiale

Jadis on considérait qu’un bon requin était un requin mort !

Des recherches récentes ont mis en évidence le rôle écologique des requins dans les écosystèmes marins.

Prédateurs placés au sommet des chaînes alimentaires, les requins régulent les populations de proies sur lesquelles ils se nourrissent.

La surexploitation de ces prédateurs supérieurs entraîne des effets en cascade dans les chaînes alimentaires ; effets qui sont néfastes à l’écosystème et à la pêche, car cela peut engendrer la pullulation d’espèces indésirables pour l’homme.

Du fait de leur rôle régulateur, les requins sont de plus en plus intégrés dans les plans de gestion des pêches.

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Albert Ier sur passerelle - Institut Océanographique de Monaco

Les grandes figures

Les multiples avantages des grandes aires marines hautement protégées

Les grandes réserves marines hautement protégées sont essentielles à la protection de zones océaniques contre les activités humaines destructrices. Elles contribuent aussi à préserver les espèces, les habitats et la diversité fonctionnelle des écosystèmes. Malheureusement, elles sont encore bien trop rares. Faisons le point avec cette fiche scientifique de Global Ocean Legacy – Pew.

Les stress subis par les écosystèmes marins

L’intensification des impacts de l’homme sur l’océan entraîne la disparition de bénéfices essentiels qu’offre cet écosystème. Les courants acheminent des millions de tonnes de plastiques et autres débris depuis les côtes vers le large, où ces déchets nuisent à la vie marine et modifient le fonctionnement des écosystèmes. L’augmentation du taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a plusieurs conséquences, notamment l’élévation des températures et l’acidification de plus en plus prononcée de l’océan, ce qui aggrave davantage encore les stress subis par les écosystèmes marins. La pêche fait également les frais de cette situation.

Les AMP, essentielles pour la bonne santé des océans

Les grandes réserves marines hautement protégées constituent un outil essentiel pour répondre à plusieurs enjeux qui touchent au bon état de l’océan. Ces réserves protègent des zones océaniques contre les activités humaines, par exemple la pêche industrielle, l’extraction de ressources naturelles ou toute autre utilisation destructrice. Elles contribuent également à préserver les espèces, les habitats et la diversité fonctionnelle des écosystèmes. Pourtant, à ce jour, seuls environ 2 % des océans mondiaux ont été désignés comme réserves marines hautement protégées. Des scientifiques de premier plan recommandent vivement qu’au moins 30 % des océans aient ce niveau de protection.

Cinq caractéristiques à réunir pour assurer une bonne conservation

Une étude datant de 2014 montre que les activités humaines ont un impact cumulé sur les écosystèmes océaniques et que les réserves marines offrent de meilleurs bénéfices en termes de conservation lorsqu’elles sont vastes, hautement protégées, isolées, parfaitement respectées et anciennes. Les bénéfices sont considérablement plus importants lorsque ces cinq caractéristiques sont réunies. Par exemple, les aires marines protégées qui présentent toutes ces caractéristiques ont 14 fois plus de biomasse de requins, 2 fois plus de grands poissons et 5 fois plus de biomasse de poissons en général que les zones non protégées. En comparaison, les aires marines protégées ne présentant qu’une ou deux de ces caractéristiques ne se distinguent pas vraiment des zones exploitées.

Des avantages économiques pour les populations

Les réserves marines bénéficient également aux communautés en soutenant l’économie locale. Les réserves marines favorisent le bon état et la vie de l’océan : elles attirent ainsi les touristes, ce qui permet de dynamiser les économies locales. Elles créent également des côtes plus résilientes par le renforcement des récifs. De plus, elles préservent le patrimoine culturel. Par exemple sur l’île de Pâques, en Polynésie française ou aux Palaos, la conservation est une pierre angulaire de l’histoire et de la vie quotidienne de la communauté.

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couverture du livre sur les méduses - Institut océanographique

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Albert Ier sur passerelle - Institut Océanographique de Monaco

Les grandes figures

S.O.S. Tortues

Un jeu pour sensibiliser à la protection des tortues marines

En 2017, l’Institut océanographique, Fondation Albert Ier Prince de Monaco s’associe à la société monégasque Éléments Édition pour proposer un jeu de plateau éco-conçu : S.O.S. Tortue permet de comprendre en famille les enjeux de la protection des tortues marines face aux dangers des activités humaines.
Exemples de carte SOS Tortues

Apprendre en famille à agir pour l’environnement

Chaque joueur choisit une espèce de tortue marine. Sa mission sera de la protéger contre vents afin qu’elle puisse se reproduire. 

C’est le joueur qui a protégé le plus d’individus de son espèce qui remporte la partie.

Toutefois, pas de compétition, les joueurs s’entraident tous les dangers  : surpêche, destruction des plages, pêche involontaire…

Ce jeu de plateau simple se joue à partir de six ans, avec deux à six joueurs. La durée d’une partie est d’environ 30 minutes. 

Un jeu de plateau éco-conçu

Pour rester cohérents avec l’ambition du jeu, ses créateurs (Cédric Duwelz et Éléments Éditions) ont observé toutes les règles de l’éco-conception : dés en bois, papier issu de forêts gérées durablement et sachet en tissu.

Aucune pièce n’est en plastique afin de mieux respecter l’environnement. Toutes les illustrations sont originales et ont été réalisées par Olivier Fagnère.

Après une campagne de financement participatif fin 2016 sur la plateforme Ulule, le jeu est aujourd’hui édité pour le grand public et proposé au prix de 29,90 €.

plateau SOS Tortues

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couverture du livre sur les méduses - Institut océanographique

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Explorations de Monaco

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L’Océan en questions

Nos partenariats Tortues marines

Des relations permanentes avec la Polynésie française

Le 8 octobre 2015, S.A.S. le Prince Albert II de Monaco a  été accueilli par M. Edouard Fritch, Président de la Polynésie française, pour échanger sur la préservation des océans. Lors de cette rencontre, S.A.S. le Prince Albert II, M. Robert Calcagno, directeur général de l’Institut océanographique, Fondation Albert Ier Prince de Monaco et S.E. M. Bernard Fautrier, vice-président de la Fondation Prince Albert II ont signé un accord de partenariat avec l’association Te mana o te moana (l’esprit de l’océan) présidée par le Dr. Cécile Gaspar pour renforcer la protection des tortues marines en Polynésie.
Partenariat TE Mana O Te Moana

L’action de Te mana o te moanA

L’association Te mana o te moana est très impliquée dans la sauvegarde des tortues marines.

Elle gère depuis 2005 un centre de soins des tortues marines situé à Moorea et, depuis 2011, l’observatoire des tortues marines de Polynésie française.

Vaste comme l’Europe, la Polynésie française et ses eaux territoriales jouent un rôle essentiel pour la biodiversité régionale et les tortues de l’océan Pacifique comme les tortues vertes et les tortues imbriquées.

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couverture du livre sur les méduses - Institut océanographique

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Explorations de Monaco

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La mission TUBBATAHA

Premiers balisages de tortues pour l'Institut océanographique aux Philippines

En 2016, S.A.S. le Prince Albert II de Monaco a profité d’une visite officielle en République des Philippines, invité par le Président Benigno S. Aquino III, pour se rendre au Parc naturel des récifs de Tubbataha, atoll corallien classé au patrimoine mondial de l’Humanité, au coeur de la mer de Sulu.

A cette occasion, S.A.S. le Prince Albert II de Monaco a équipé de balises Argos deux tortues. Nicolas Pilcher, membre du Marine Turtle Specialist Group de l’UICN et directeur du Marine Research Foundation en Malaisie ainsi qu’Angélique Songco, directrice du Parc naturel du récif de Tubbataha livrent quelques analyses.

Des balises Argos pour suivre l’odyssée des tortues

Les balises sont posées sur deux tortues : une tortue verte et une tortue imbriquée juvénile ; deux des sept espèces de tortues marines connues à ce jour. 

Ces deux spécimens ont fait l’objet de beaucoup d’attentions et ont été suivis par l’Institut océanographique et ses partenaires scientifiques. 

Grâce au géopositionnement émis par les balises Argos, il a été possible de retracer leur parcours.

Tubbataha Philippines EDM
Le Prince Albert II de Monaco a lui-même posé une balise sur l'une des deux tortues dont les déplacements seront scrutés avec attention. © Institut océanographique de Monaco

Pourquoi le signal est-il parfois interrompu ?

Suivre les tortues grâce au balisage est parfois difficile et des interruptions du signal peuvent se produire.

Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène selon le Dr. Nicolas J. Pilcher : « Parfois, la tortue émerge mais aucun satellite n’est présent pour recevoir le signal ; cela arrive régulièrement. Le hasard fait que cela dure parfois sur une période assez longue. Une autre raison tient à la qualité du signal lui-même. Si la tortue ne reste pas assez longtemps en surface, le signal est trop court pour générer la localisation géographique.

L’antenne de la balise peut aussi être mise en cause sur le principe, notamment quand elle est recouverte de débris marins d’origine naturelle (plantes marines ou algues par exemple) ou anthropique, c’est-à-dire d’origine humaine (déchets plastiques ou autres) qui empêchent l’émission. »

Des informations précieuses sur leurs comportements

Au sein de l’aire protégée du Parc, les tortues évoluent de façon prévisible.

La tortue verte reste sur la partie supérieure du récif de l’îlot Sud, pour se nourrir de plantes marines.

La tortue imbriquée se comporte d’une autre manière et passe son temps sur la partie externe du récif de l’îlot Nord.

Pourquoi ? Pilcher explique que la jeune tortue imbriquée se déplace davantage afin de trouver sa nourriture composée de produits carnés, invertébrés et coraux mous. La tortue verte, grâce à son régime végétarien, évolue pour sa part sur un espace plus réduit.

Autre information, des plus intéressantes : la jeune tortue imbriquée semble effectuer des « excursions » en zones profondes puis des « incursions » dans le lagon, à très faible profondeur. Sans que celui puisse être étayé à ce stade, il est possible d’imaginer qu’elle évite ainsi quelques prédateurs.

Tortue bassin
Tortue marine

Des témoignages de morsures de requins

Les touristes plongeurs, impliqués dans le programme de sciences participatives, ont observé des tortues imbriquées portant des marques de prédation.

Les requins tigres, connus pour se nourrir entre autres de tortues marines, sont très fréquemment vus dans la zone.

Les plongeurs ont également rencontré de nombreux requins baleines et des raies Manta. Ces géants des mers sont inoffensifs pour les tortues marines car ils se nourrissent de planctons, de petits poissons et de crustacés.

C’est une aubaine pour ces touristes plongeurs se retrouvant au cœur d’un site protégé, dont ils peuvent observer l’extraordinaire biodiversité.

Un record d’observations de tortues imbriquées

Angelique Songco et Retchie Pagliawa, de l’équipe de gestion du Parc naturel de Tubbataha informent que trois ans après la mise en place du programme Tubbataha Reef Watch, c’est en 2016 que les observations de tortues imbriquées ont été les plus nombreuses, notamment sur les sites de plongée de Black Rock et de Delsan Wreck, tous deux situés sur l’îlot Sud.

À partir de fin juin, cependant, la mousson du sud-ouest apporte pluie et vents violents. Elle empêche alors la visite du Parc de Tubbataha.

Durant cette période, la mer est très agitée, rendant la navigation et la plongée impossibles. Il faut attendre quelques semaines pour que les équipes du Parc et les « plongeurs touristes participatifs » puissent reprendre leurs investigations et avoir une chance d’observer de nouveau les deux tortues emblématiques.

Photos Tortues

Corail, coeur de l'océan

De cette expédition, un documentaire, Corail, cœur de l’océan, réalisé par Frédéric Lossignol et  produit par Gédéon Production, ainsi qu’une exposition réalisée par David Doubilet ont vu le jour.

Tubbataha PhilippinesTortues EDM
S.A.S le Prince Albert II de Monaco et Robert Calcagno, directeur du Musée océanographique à Tubbataha © Institut océanographique

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Albert Ier sur passerelle - Institut Océanographique de Monaco

Les grandes figures

Tortues marines, le livre

Tortues marines, la grande odyssée : un ouvrage de référence

Robert Calcagno, directeur de l’Institut océanographique de Monaco, signe son dixième ouvrage sur le thème de l’océanographie : Tortues marines, la grande odyssée, publié aux éditions Glénat en 2017. Très documenté, il traite de l’évolution des populations des tortues marines depuis leur apparition jusqu’à nos jours, pointant l’attention du lecteur sur les changements environnementaux qui menacent, aujourd’hui, leur survie.

L’odyssée mystérieuse d’une espèce menacée

Robert Calcagno, l’affirme : « Il n’aura fallu qu’un demi-siècle à l’homme pour menacer l’existence des tortues marines !  » Symboles de sagesse et de longévité, parfois d’immortalité, les tortues marines ont fasciné de nombreuses civilisations.

Les sept espèces de tortues marines sont vulnérables ou menacées car elles subissent la plupart des pressions que l’homme exerce sur le milieu marin. Les tortues de mer pourraient s’éteindre à cause des modifications environnementales actuelles.

Apparues il y a 110 millions d’années, ces grandes migratrices gardent encore de nombreux mystères. Pour mieux comprendre leur cycle de vie, il est nécessaire de les étudier tout en préservant leurs habitats. Pour les sauvegarder, des solutions de protection à un niveau international doivent être envisagées.

Livre Tortues marines, la grande odyssée
Clé d'identification des espèces de tortues marines © Institut océanographique
Le livre Tortues marines, la grande odyssée
La grande odyssée ou le cycle de vie des tortues marines © Institut océanographique

Une vie de voyages

À la croisée des mondes de l’eau et de la terre, les tortues marines comptent parmi les animaux conservant encore une grande part de mystère. 

Migrations, rites d’accouplement, mécanismes déclenchant les pontes… nous ignorons encore beaucoup de choses. 

Grâce aux dernières technologies, la recherche scientifique s’applique à déceler les mystères qui règnent encore autour des tortues pour répondre à l’urgence d’assurer leur avenir.

Les tortues face à notre appétit

La pêche des tortues marines reste autorisée dans les eaux territoriales de 42 pays et 42 000 tortues sont encore capturées légalement chaque année.

La consommation de leur viande, de leurs œufs et l’utilisation de leur carapace sont les raisons majeures de la chute de leurs populations. 

Les différentes mesures de protection prises ces dernières décennies restent peu appliquées. Le calvaire des tortues a commencé par la surexploitation mais s’intensifie avec l’emprise de l’homme sur l’océan et le littoral.

Livre Tortues marines, la grande odyssée
Tortue harponnée © Te mana o te moana
Le livre Tortues marines, la grande odyssée
Comportements à adopter sur la plage et sous l'eau en cas de rencontre avec une tortue marine © Institut océanographique

Cohabiter avec les tortues

Si nous voulons sauver les tortues marines, nous devons mieux les protéger. 

À l’heure où les vacanciers du monde entier affluent sur les plages de sable fin, il va falloir réserver aux tortues une petite partie de cet éden. 

Un sacré défi en perspective alors que l’aménagement touristique de ces littoraux est perçu comme un levier essentiel de développement économique.

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