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Le sang de tous les autres poissons du monde contient des globules rouges qui sont eux-mêmes remplis d’hémoglobine, une molécule renfermant des atomes de fer.

Le sang pauvre en oxygène est envoyé par le cœur vers les branchies, l’équivalent de nos poumons. Celles-ci baignent dans l’eau de mer et les atomes de fer capturent l’oxygène qui y est dissous. Puis le sang réoxygéné est renvoyé vers les tissus !

Illustration Artips Sciences, inspirée du livre Au cœur des mondes polaires,
par l’Institut océanographique de Monaco

À gauche : Le sang rouge (contenant de l’hémoglobine) d’un poisson d’une autre famille de l’Antarctique / À droite : Le sang incolore et opalescent du poisson des glaces, photo : G. Lecointre
 
Mais le poisson des glaces n’a aucun globule rouge, et encore moins d’hémoglobine. Son astuce ? Il tire parti d’une propriété de l’eau : plus elle est froide, plus elle contient d’oxygène.
Mais surtout, il parvient à faire passer celui-ci directement dans le liquide sanguin – le plasma – sans utiliser de globules !

 

Le plasma pouvant contenir beaucoup moins d’oxygène que le sang rouge riche en hémoglobine, il faut en pomper beaucoup plus. Le poisson des glaces a donc un cœur quatre fois plus gros et des vaisseaux sanguins trois fois plus larges qu’un poisson standard.

Il a aussi beaucoup plus de capillaires sanguins afin  d’amener le sang aux cellules plus facilement.

Illustration Artips Sciences, inspirée du livre Au cœur des mondes polaires,
par l’Institut océanographique de Monaco.
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2020, Mer de Weddell, Antarctique. Le biologiste Autun Purser observe les baleines depuis le pont du brise-glace Polarstern lorsque la sonnerie retentit. Après un court échange téléphonique, Purser court vers l’écran vidéo de la caméra sous-marine remorquée par le navire.

Des nids. Des millions de nids. Le fond est tapissé de trous creusés dans le sable, chacun farouchement gardé par un poisson sans écailles à l’aspect fantomatique. Purser reconnaît immédiatement le poisson des glaces, aux os transparents et au sang totalement… blanc.

La mer de Weddell où Purser a découvert les nids est actuellement candidate pour devenir une Aire Marine Protégée (AMP).
Comme dans les réserves naturelles françaises, la pêche y sera tout simplement interdite. La décision doit encore emporter l’unanimité de la commission chargée de la préservation de la vie en Antarctique… mais Purser a d’ores et déjà apporté un argument crucial pour la sanctuarisation de la région !
Nids de poissons des glaces sur le fond de la mer de Weddel, Antarctique, 2020, photo : PS124, AWI OFOBS TEAM

Si la fonte de la banquise, constituée d’eau de mer, ne modifie pas le niveau de l’Océan, ce n’est pas le cas des calottes glaciaires, gigantesques réserves d’eau douce. L’amenuisement des glaciers du Groenland et du continent antarctique est en grande partie responsable de l’élévation de l’Océan, qui s’accélère : de 1.4 mm par an au début du XXe siècle, la mer monte en moyenne de plus de 3.6 mm depuis les années 1990.

Infographie : © Clara Nigen
 
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1951, Arctique. Sous un beau ciel bleu, l’ethnologue et géographe Jean Malaurie regarde un nouveau-né dormir paisiblement contre le dos de sa mère.

Nu sous le grand capuchon de l’amauti, le manteau traditionnel des femmes inuites, le petit semble bien au chaud. Et cela vaut mieux, la température ambiante avoisinant les… -30 °C !

Illustration Sciencetips

Chaussons et moufles inuits en peau de phoque, à voir dans l’exposition « Mission Polaire » au Musée océanographique de Monaco. Objets issus de la Collection Jean Malaurie / Institut océanographique.

Mais comment ce peuple parvient-il à vivre dans cette nature implacable ? Plus que cela même : à aimer ce désert aux températures polaires ?

Eh bien, ils ont avant tout un mode de vie adapté. Ils consomment une nourriture très riche en graisse (poissons, phoques, baleines…) et s’habillent de façon à résister au froid : des vêtements de peau des pieds à la tête (moufles, gants et amples pantalons), de la fourrure autour de la capuche pour protéger le visage, ou encore l’ingénieux amauti permettant aux femmes de porter et d’allaiter leurs enfants en conservant les mains libres.

Mais ce n’est pas tout. Les Inuits ont ça dans leurs gènes, littéralement ! Ils auraient en effet hérité de gènes des Dénisoviens, une espèce ayant vécu entre un million et 40 000 années avant notre ère, principalement en Asie, en Chine et en Sibérie.

 
 
Calotte glacière du Groenland, image satellite, 2005, photo : NASA
Femmes et enfant inuits, elles portent un amauti, 1999, photo : Ansgar Walk

Ces Homo denisovensisse se seraient accouplés avec des Homo sapiens, laissant leurs empreintes génétiques dans le génome des Inuits modernes. Plus spécifiquement, deux gènes situés sur le chromosome 1 : TBX15 et WARS2. Mais à quoi servent-ils ?

 

TBX15 joue, entre autres, un rôle dans la quantité de graisse brune présente chez un individu. Ce tissu adipeux brun (particulièrement présent chez les nouveau-nés) brûle les lipides pour produire de la chaleur (au lieu de les stocker, comme la graisse blanche).

Cette chaleur est ensuite dissipée dans tout le corps, ce qui permet de maintenir une température corporelle à 37 °C.

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Perte de glace de la calotte glacière du Groenland de 2003 à 2020, illustration Sciencetips d’après les images satellites de la NASA

Bref, ces graisses brunes agissent comme une sorte de radiateur interne. Un atout, bien pratique, que Jean Malaurie aurait sûrement aimé avoir durant ses nombreuses explorations arctiques !

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"Icebergs, icebergs, cathédrales sans religion de l'hiver éternel." - Henri Michaux -

2018, Groenland. Les habitants de la petite île d’Innaarsuit regardent avec inquiétude un immense iceberg, de plus de 100 m de haut sur 200 m de large, s’approcher lentement du port. Il faut évacuer au plus vite. Si un morceau venait à se détacher, c’est un tsunami qui pourrait submerger le village !

L'iceberg qui a longé l'île d'Innaarsuit,

L’iceberg qui a longé l’île d’Innaarsuit, Groenland, 2018, capture d’écran

Icebergs au Groenland, 2014, photo : Lurens

Les habitants d’Innaarsuit ont pourtant l’habitude : des icebergs, ils en voient passer régulièrement. Un tel colosse si près du rivage, c’est cependant une nouveauté. Mais d’où provient-il ?

 

Le Groenland est recouvert d’une épaisse couche de glace : 1,7 million de km2 pour une épaisseur maximale d’environ 3 000 m. Cette calotte glaciaire (on parle de « l’inlandsis groenlandais ») s’est formée par accumulation de neige il y a plusieurs milliers d’années.

Calotte glacière du Groenland, image satellite, 2005, photo : NASA
Fonte de la calotte glacière et élévation du niveau de la mer, illustration Sciencetips d’après un schéma extrait de l’ouvrage Au cœur des mondes polaires, de Robert Calcagno

Chaque année, la région reçoit normalement plus de neige qu’elle n’en perd. Avec le temps, cette dernière se tasse, expulsant l’air qu’elle renferme, jusqu’à se transformer en glace.

Sous son propre poids, le glacier s’écoule ensuite lentement vers la mer. Les intempéries et les tensions au sein de la glace provoquent des cassures, ce qui produit… des icebergs.

Le problème, c’est qu’avec le réchauffement climatique, les chutes de neige ne compensent plus les pertes de glaces. Résultat, la calotte du Groenland fond. Et rapidement ! En l’espace de 20 ans, elle a ainsi perdu… 4 700 milliards de tonnes de glace. Et contrairement à la banquise, composée d’eau de mer, la calotte glaciaire est composée d’eau douce. Sa fonte contribue donc à faire monter le niveau des océans.

En fait, les scientifiques ont estimé que la disparition totale de la calotte du Groenland ferait grimper le niveau marin de 7,2 m.

 

Perte de glace de la calotte glacière du Groenland de 2003 à 2020, illustration Sciencetips d’après les images satellites de la NASA
Trajectoire de l’iceberg à la dérive près des côtes de l’île d’Innaarsuit, Groenland, juillet 2018, images satellites, photo : Observatoire de la Terre de la NASA, Joshua Stevens

Et ça, évidemment, ça risque d’avoir des conséquences désagréables : immersion des régions côtières impliquant la salinisation des nappes d’eau douce continentales, perte de la biodiversité, augmentation du nombre d’évènements extrêmes, et… des icebergs géants dans les ports. Fort heureusement, pour les habitants d’Innaarsuit, celui-ci est passé sans faire de vague !